L'Offense chapitre 7

Publié le par SLAM POESIE DE FAUSTINE

Ce soir-là, Isabel regagna sa maison avec un cœur plus léger. Elle ne se souvenait pas avoir éprouvé une telle joie depuis bien des années.

 

Tout sembla désormais reprendre un cours normal, il ne fut plus question de scandales dans la ville et tous de penser que la femme bafouée, en ayant vu celle qui avait succédé de ses charmes dans le cœur de Dom Carlos, rendait les armes, se rangeait à l’avis de tous en adoptant désormais une attitude digne, la seule qui sied quand on est bien éduqué. Ils furent soulagés.

 

A partir de là, Dona Linda, ainsi se prénommait la co-épouse d’Isabel, eut la surprise de recevoir ponctuellement des présents plus délicats les uns que les autres. Cela débuta par une boîte de chocolat très rare et très fin accompagné d’une carte sur laquelle elle put lire un mot  gentil signé : d’un mystérieux admirateur. Lorsqu’elle montra le présent à son époux, il en fut contrarié, la morigéna et à partir de là, se mit à surveiller ses moindres faits et gestes.

Le second cadeau qui arriva, fut une paire de gants en dentelle avec une carte qui lui enjoignait d’accepter ce modeste don pour habiller les plus belles mains qu’il ne lui fut jusque là donné de voir, de la part d’un cœur épris d’une vraie Dame qui, il le savait, souffrait mille tourments avec cet époux qui lui imposait le voisinage d’une première épouse. Dona Linda dissimula ces gants là où elle savait que son mari ne les trouverait pas puis mâcha et avala la carte.

 

Isabel quant elle, à l’occasion du carnaval, donna un bal masqué. La fête demeura dans les mémoires comme l’une des plus belles jamais vues. Rien n’y manqua des mets destinés à réjouir les palais les plus délicats et exigeants, le vin coula à flots, et la musique fit tourner les plus belles têtes de Brava. Il s’y donna également un ballet dans lequel l’on put voir que l’hôtesse n’avait rien perdu de sa séduction et pouvait encore ensorceler bien des cœurs. Il se termina par un tableau où Isabel toute parée de voiles transparents, se démasquait et étreignait langoureusement un ténébreux danseur resté, lui, masqué.

 

Un soir que Dona Linda et Dom Carlos dînaient chez des amis, ce dernier surprit sa femme qui enlevait prestement des gants en dentelle. N’ayant aucun souvenir de lui en avoir offert de pareils, il le lui fit remarquer, ce à quoi elle répondit qu’elle se les était elle-même offerts. De tous les convives présents ce soir-là, Dom Carlos fut le seul qui ne sourit point et ne prit guère part aux conversations. Lorsqu’ils furent de retour chez eux, sitôt dans la chambre nuptiale, il se rua sur sa femme, lui arracha les gants des mains, les détruisit et la roua de coups avant de se vautrer sur celle qui, pétrifiée par tant de violence, n’osait plus bouger et comprenait qu’elle ne savait qui elle avait épousé, que désormais il lui ferait subir les plus vils outrages, qu’elle n’avait personne à qui se plaindre et personne pour la consoler de ses plaies.

Sur une petite île comme celle de Brava, les choses les plus intimes ne tardent jamais à être divulguées, ainsi il arriva à l’ouïe de tout un chacun, que Dona Linda était copieusement et régulièrement rossée par son mari, à tel point qu’elle avait perdu l’enfant qu’elle attendait.    


L’offrande suivante fut une étole en soie brodée, d’un exquis raffinement cachant un mot qui lui disait que son envoyeur connaissait les brimades dont elle était victime, qu’il partageait sa douleur et pleurait avec elle, que même si elle ne savait de qui il s’agissait, elle avait et aurait à l’avenir quelqu’un qui souffrait mille maux pour elle, qu’elle pouvait s’épancher sur l’étoffe qu’elle avait entre les mains pour tenter de soulager quelque peu son cœur et son corps meurtris. Elle mit le précieux cadeau dans sa cachette secrète, ne le sortant que lorsqu’elle était absolument certaine d’être seule et ne le caressait jamais longtemps de peur d’être surprise par son tortionnaire de mari. Ainsi, vinrent régulièrement lui rasséréner le cœur des présents de plus en plus raffinés et coûteux : pendants d’oreilles rubis, sautoirs en perle, camées en ivoire, tous plus beaux les uns que les autres et, à n’en pas douter, tous d’une grande valeur.

Un jour elle passa la porte de la loja de Dona Legea pour se procurer des mouchoirs brodés. Isabel était présente, qui lui offrit son aide dans le choix de ses achats. Au détour d’une phrase, elle lui proposa de voir les souliers, elles s’isolèrent derrière un paravent, Isabel alla donner un tour de clé à la porte d’entrée puis revint. Tout en lui ôtant ses bottillons, elle lui dit à voix basse qu’elle n’ignorait pas que leur mari maltraitait Linda et bien que jusque là cette dernière n’aie jamais eu de raisons de la tenir en bonne estime, elle devait savoir que sa co-épouse se désolait des maux qui s’étaient abattus sur son pauvre corps frêle. Linda fondit en larmes et Isabel la serra contre son cœur pour l’apaiser en caressant doucement ses cheveux et en essuyant ses larmes. Isabel lui dit que désormais elle pourrait venir quand elle voudrait, en secret, à la boutique de sa mère, qu’elle pourrait la faire appeler pour lui confier ses tourments, elle serait toujours prête à l’écouter, à la consoler, à la conseiller et à l’aider en toute circonstance.

 

 

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